UZEB et moi – 2 – Mile « 0 »

Publié: avril 21, 2024 dans Uncategorized, UZEB

1975

Je suis en train d’écrire un conte. Tous les jours, à l’école dès que j’ai terminé mes exercices de mathématique, je sors mon cartable rempli de feuilles lignées et je poursuis ma rédaction. C’est grisant. Surtout que j’agis à l’insu de mon professeur, car je ne sais pas si je peux compter sur sa discrétion. Je rougirais d’embarras si je devais divulguer la teneur de mes écrits devant mes camarades. Cela raconte l’histoire d’un chaton qui n’en fait qu’à sa tête et qui entraîne ses copains dans ses aventures. Bien entendu, sans l’aval de ses parents. Une bonne histoire implique souvent un héros qui se met en danger, qui brave l’interdit, qui se moque du qu’en dira-t-on. C’est intrépide et volontaire, un jeune chat…  

L’histoire commence à Drummondville, dans la ville natale du guitariste. Pour Michel Cusson, la ligne est tracée bien nette, à sa portée. Il n’a que treize ans et rêve déjà d’une carrière de musicien. Ses cours de guitare avec Jean-Marie Benoit le placent dans l’engrenage. Quand il ne joue pas de son instrument, il écoute de la musique et tente de comprendre comment les musiciens s’y prennent pour produire tels sons, construire telles phrases musicales. Si bien que deux années plus tard, il a déjà commencé à expérimenter la composition. Les lettres symbolisant des accords de guitare, il les voit dans sa soupe. La musique, il en mange. Toute tâche non associée à cette discipline est considérée comme un fâcheux contretemps. C’est décidé, il s’inscrira au nouveau programme de musique du cégep de Drummondville.

Il y retrouve son professeur de guitare, Jean-Marie Benoît, qui n’est d’ailleurs pas tellement plus âgé que lui. Trois années de gammes seulement les séparent. Et puis Jean-Marie a d’abord l’ambition de se réaliser en tant que musicien. Enseigner est un gagne-pain honorable comme un autre, en attendant la consécration. Composer l’intéresse vivement, alors il profite de son poste pour tester certains de ses arrangements auprès de ses élèves. Michel et son collègue Gaston Mandeville, se retrouvent dans leur tout premier cours à jouer en duo « l’Oiseau » popularisé par René Simard, ce qui n’est probablement pas leur tasse de thé, mais qui constitue une excellente anecdote dont ils pourront bien rigoler par la suite.

Michel, qui s’intéresse d’avantage au rock de Led Zeppelin et au jazz de Chick Corea, prend son mal en patience et profite de la leçon pour diversifier ses horizons. Tout agencement de notes est pour lui un défi lancé, une occasion de se surpasser, d’expérimenter. Toutefois, c’est en dehors des leçons qu’il s’éclate le plus. Dans des soirées de jams au bar la Mezzanine avec ses copains Jean St-Jacques, batteur, Luc Beaugrand, claviériste et Réjean Généreux, bassiste, alors qu’ils improvisent sur diverses musiques, n’échappant pas aux incontournables standards de jazz qu’on trouve dans tout bon fake book[1]. Et c’est dans ces soirées déjantées qu’il peut approfondir le plaisir de jouer avec d’autres. Ils expérimentent ensemble leurs propres arrangements. Déjà, les compères se distinguent des musiciens de jazz standards, avec leur son plus « rock ». Le groupe prend de l’assurance, s’inscrit à un concours d’orchestre jugé par François Cousineau et le remporte. Et si tout devenait possible pour eux, dès cet instant. S’il suffisait d’y croire. À partir de ce moment, tout peut arriver.


[1] Un fake bookest un recueil de lead sheets, qui sont des partitions représentant de manière synthétique les éléments caractéristiques d’un morceau : mélodie, harmonie et éventuellement paroles. Bref, ce recueil contient le minimum d’éléments nécessaires pour jouer un morceau en improvisant une interprétation en lecture à vue, autrement dit  » to fake it« .  Source Wikipédia.

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