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Ride de filles… et de gars

Publié: juillet 11, 2022 dans À moto
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Samedi dernier, le 9 juillet 2022, j’ai roulé à moto pour une cause importante : ramasser des fonds pour la recherche et le soutien aux victimes du cancer du sein.

C’est drôle, ce n’est pas à moi que je pensais, mais à toutes celles qui viennent d’apprendre qu’elles sont atteintes, car je sais ce qu’elles traversent. Je pensais aussi aux familles endeuillées. Il y en a beaucoup trop. Ce cancer est tellement répandu. Une femme sur huit en sera atteinte. Et de ce nombre, une sur trente-quatre en mourra. Je me demande souvent pourquoi j’ai été épargnée. Est-ce que je m’en suis vraiment tirée pour de bon? Pourquoi nos cellules se mettent-elles à déconner? Oui, pourquoi? Du jour au lendemain, tu apprends qu’une masse se développe en toi, qu’elle peut causer ta perte. Pas facile de garder son calme. Et pourtant, il faut se mettre en mode combat. Ça vaut mieux.

Le pire, c’est l’attente de la chirurgie. Tu imagines la tumeur qui continue de progresser et à s’étendre. Tu l’imagines en voie de faire des métastases dans d’autres organes plus nécessaires à ta survie : le foie, les poumons, le cerveau… Tu ne sais pas quand tu recevras l’appel qui t’annonceras le jour et l’heure de ta chirurgie. Tu attends, dans l’angoisse. Tu veux combattre, mais tu n’as pas d’armes.

Et puis lorsqu’enfin on t’appelle, tu angoisses encore, car une chirurgie, ça fait quand même un peu peur. Et s’il y avait des complications sans rapport avec le cancer. J’ai prié mon grand-père de m’aider à passer à travers. On croit à plein de choses quand on a peur. On croit qu’il nous répond et qu’il nous dit que tout va bien se passer. Et d’un seul coup, on sèche ses larmes, rassurée.

Le jour J, il vaut mieux garder son calme. J’ai blagué avec la chirurgienne et sa stagiaire. J’ai souri. Je n’avais plus de crainte. Il était trop tard pour cela. J’ai passé à travers toutes les dernières étapes non sans douleur, mais le plus bravement possible. J’ai eu le temps de regarder la vieille salle d’opération de l’hôpital de Saint-Jérôme, immense et baignée par des rayons de soleil. Pas du tout comme dans Grey’s Anatomy. Puis j’ai sombré dans un sommeil sans rêve, pendant qu’on s’occupait de faire disparaître complètement cette tumeur, cette intruse. Ma tumeur.

C’est une opération si courante. Ma chirurgienne s’était faite rassurante. En plus, j’ai eu droit à une belle cicatrice, aujourd’hui presque invisible. Pour ça aussi, j’ai eu beaucoup de chance. Ma mère, qui a appris qu’elle était aussi atteinte quelques mois plus tard, s’est retrouvée charcutée. Comme si une femme de 80 ans n’avait pas droit à ce qu’on respecte son corps et son désir d’être belle. C’était bien d’avoir une femme comme médecin. Je le souhaite à toutes celles qui passeront par là.

En 2020, l’année où j’ai été opérée, 27 400 canadiennes ont reçu le même diagnostic que moi. Des femmes avec des conjoints, des enfants, des frères et des sœurs, des parents et plein de gens qui se sont inquiétés et qui n’ont pas pu être présents à cause de la Covid-19. Alors voilà. Par ce magnifique samedi du mois de juillet, nous étions plus de 560, prêtes à prendre d’assaut les routes pour sensibiliser les gens à cette cause qui touchera tant de familles, encore et encore.

Toutes ces motos formant un convoi de dix kilomètres de long, oui, ça peut être dérangeant. Ça frappe l’imagination. Mais quand on pense qu’il est aussi composé de survivantes, il y a lieu d’espérer, de retrouver confiance. Nous étions là pour redonner aux suivantes en ramassant des dons.

Il y avait aussi des gars désireux d’apporter leur soutien, qui se sont engagés comme bénévoles, encadrant les filles de leur présence rassurante. Des capitaines, des balayeurs, des gars pour bloquer des rues afin que le convoi roule en toute sécurité, des policiers à moto et même sur des chevaux. Il y avait des pompiers qui ont fait fonctionner leur sirène de camion pour saluer les filles. Il y avait des gens, sur le bord de chemin, le pouce en l’air, qui envoyaient la main, qui applaudissaient. Mon cœur débordait de reconnaissance et mes yeux s’emplissaient de larmes devant leur accueil.

Nous avions décoré nos motos pour créer une belle parade, pour le plaisir des spectateurs. Explosion de rose sous toutes ses formes. Certaines y avaient mis beaucoup d’énergie et de soin. C’était magnifique. Elles étaient superbes. Nous étions belles à voir avec notre candeur, notre plaisir, notre enthousiasme. Vous auriez dû voir ça. Ça valait le détour!

Tout cela a été possible grâce à une organisation réglée au quart de tour. On nous a guidées et sustentées. Nous n’avions rien d’autre à faire que de rouler de façon sécuritaire. Nous avons été traitées comme des princesses. Merci, merci, merci à vous tous qui avez fait en sorte que ce fut une réussite. Merci aux généreux donateurs.


Si vous aimeriez en savoir plus sur mon parcours de motarde et mon aventure avec le cancer du sein, je vous invite à lire mon livre: Journal d’une apprentie motarde. Lorsque j’ai commencé à faire de la moto, j’étais atteinte du cancer, sans le savoir. La moto m’a grandement aidée à me motiver à guérir.